Le restaurant se compose d’une salle unique, exiguë, moulée dans un bloc carré aux angles arrondis. Le sol, les murs et le plafond ont la consistance d’une mousse synthétique et ces surfaces, colorées d’un jaune immaculé, donnent au local une forte impression d’étanchéité et d’hygiène combinées. L’ambiance aseptisée invite à venir s’y restaurer en toute confiance.
De fait, les visiteurs sont nombreux à se presser à l’entrée. Une fois leurs repas choisis, ils s’attablent, debout ou assis, selon les places disponibles. Ils enfournent la nourriture avec les mains, sans prendre le temps de goûter ce qu’ils avalent. Peu importent les aliments, leurs bouches dévorent tout ce qui leur passe entre les doigts. Ils n’en perdent pas une miette. C’est le propre de la restauration rapide : rien n’échappe à l’avidité du temps qui nous consomme.
Ceux qui ne mangent pas encore font la queue devant le guichet, où un petit employé prend leurs commandes avant de les servir. Il travaille vite et, caché derrière son comptoir, on ne voit de lui que ses mains fébriles qui indiquent les menus, préparent les plateaux, encaissent l’argent et servent les repas en faisant signe au suivant d’approcher. L’appétit augmente tandis que la queue diminue.
Une odeur chaleureuse enveloppe les convives. Ça oscille entre l’huile et le savon, la cuisson et le désinfectant, un peu comme une lessiveuse qu’on aurait mise à bouillir. L’air en est saturé. Ça attache aux vêtements, colle à la peau et sur les cheveux. Avant même de commencer, on sent comme ce qu’on va manger.
Le repas se présente dans une boîte en plastique, similaire au restaurant : petit cube carré aux angles arrondis et à la texture mousseuse. Le contenu se compose d’une éponge beige et ronde, coupée en deux parties, entre lesquelles se trouvent coincés un savon plat, marron, et une petite serviette verte et froissée. On prend les éponges entre les doigts et on les porte aux lèvres, en maintenant fermement le savon sur la serviette pour qu’il ne glisse pas. Puis on y enfonce les dents jusqu’aux gencives.
La bouche remplie de mou tiède au goût d’hygiène cuite, les clients mâchent avec satisfaction. Ils sont reconnaissants au restaurant de lessiver leur appétit avec tant d’efficacité. Vite repus, ils ne s’attardent pas et quittent les lieux après la dernière bouchée. Ils se promettent pourtant de revenir dès que la faim se fera sentir ; les relents rappellent à la boîte en plastique.
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Quel extraordinaire don d’observation et de description tu as. C’est un vrai plaisir de te lire.
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Ravi de plaire à tes papilles de lectrice.
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délicieuse votre prose
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Le secret est dans la sauce.
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Encore mieux que « soleil vert »!!!
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Oui, c’est le « burger jaune ».
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Je crois que je connais l’endroit! Il se trouve à Calais, n’est-ce pas? 😉
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Je ne suis jamais allé à Calais mais il y en a certainement un comme ça là-bas.
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Et bien ça donne envie : est-ce que le savon a le goût du plastique intégré ? Et la mousse est-elle parfumée au moins à l’ammoniaque ou à l’eau de javel ? Miam…. j’en redemande
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Nous sommes ouverts toute l’année. Revenez quand vous voulez.
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