Le ciel de Londres est traversé par les avions. Cinq aéroports entourent la capitale ; le trafic aérien est dense et les destinations innombrables. Les Londoniens qui désirent partir ont l’embarras du choix pour découvrir le monde. Cependant, cette habitude aux voyages touristiques n’empêche pas certains d’entre eux de célébrer leur énième départ en vacances, comme s’il s’agissait du premier.
Voyez ces deux jeunes Anglaises qui viennent d’arriver à l’aéroport. Elles se comportent comme des vedettes que la presse viendrait acclamer. Leurs robes légères, leurs chapeaux de travers, les énormes lunettes de soleil et le rouge à lèvres vermeil… prêtes pour la pose photographique. Elles se font une série de selfies dans la salle des départs.
L’une est assise sur la valise, jambes croisées, ongles des pieds qui scintillent, tandis que l’autre est debout à ses côtés, buste et sourire engageants. Elles tendent leurs deux portables à bout de bras. Les photos montrent leur joie de partir ensemble. C’est l’événement du jour et, pour que tout le monde le sache, elles le diffusent sans délai sur les réseaux sociaux.
Chaque instant de leur séjour sera ainsi médiatisé en ligne. Les jours suivants, elles feront un reportage complet de leurs vacances : du taxi qu’elles prennent, de l’hôtel où elles logent, des achats qu’elles font, des plats qu’on leur sert, sans oublier les cocktails qu’elles boiront le soir, au bord de la piscine… Elles partageront ainsi tous leurs souvenirs avec la famille et les amis.
Autrefois, les vacanciers montraient leurs photos après être revenus. C’était les fameuses soirées diapos, et je crois qu’on trouvait ça plutôt ennuyant. De nos jours, on partage ses souvenirs au moment présent. On se bombarde de clichés pris sur l’instant et on trouve ça beaucoup plus marrant. Allez savoir pourquoi.
Malheureusement, tous les souvenirs de vacances ne sont pas partageables. Quand les Anglaises auront bu beaucoup de cocktails à la piscine, et qu’elles se retrouveront tard dans la nuit, assises au bord de leur lit, devant une flaque de vomi, elles n’auront pas la tête à se faire des selfies.
Ceci vous a plu ? Essayez cela :
Au proverbe « pour vivre heureux, vivons cachés » s’est substitué un autre « pour avoir l’impression de vivre, montrons que l’on vit ». Sujet très pertinent !
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Excellente remarque. Voilà bien matière à réflexion méritant notre attention.
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En somme, ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est votre manière de la raconter qui dit beaucoup sur notre monde. Donc, quant aux petites, moyennes et grosses Anglaises, la contagion est générale et le phénomène décrit est mondial. A nous de décrypter la chose et de la transformer pour en faire… de l’art contemporain ou du roman.
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C’est vrai. Devant tous les aéroports et au bord de toutes les piscines, on est malade du selfie.
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Il y a 30 ans environ, on commençait déjà à voir les touristes avec leurs caméscopes. Ils regardaient tout à travers du viseur sans rien voir, et seulement rentrés chez eux savaient-ils enfin où ils avaient éte, et les choses et les endroits qu’ils auraient pu voir en ouvrant ses yeux … Certes, il ne s’agissait pas encore des « selfies », mais on avait déjà commencé à dépersonnaliser les expériences.
Au fait, c’est quoi « selfie » en français? Et est-ce que l’on « bookmarque » ou « bouquemarque » les liens? Au secours, l’Académie! 🙂
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La « dépersonnalisation des expériences », voilà un bon diagnostic de ce qui nous arrive…
Après une brève recherche , je suis arrivé à la conclusion que le nom « selfie » n’est pas encore traduit dans le dictionnaire français, sinon par « auto-portrait ». En revanche, il est déjà passé dans le langage et on l’utilise au masculin.
Je ne sais rien au sujet du verbe « bookmarquer » mais je suis prêt à parier que c’est un verbe régulier.
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C’est ce qu’on appel vivre dans l’air du temps…. tout devient instantané ! Mais on a encore le pouvoir de choisir 😀
Et si les p’tites anglaises trouvent leur bonheur dans des selfies à gogo pour les poster sur leur page FB c’est pas bon signe : Au lieu de raconter la vie, les rencontres, les découvertes, le Selfie raconte pour vous…
Zute… aurait on perdu l’authenticité d’un face to face avec ces amis ?
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En effet, avec toutes ces photos sur ce qu’on fait, on finit par manquer de mots pour le dire.
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