Le chfinche

Un sphinx, qui résidait au square du centre-ville, regardait passer les gens. Lui qui restait de pierre, éternellement immobile, il les observait, eux, bien en chair, qui marchaient partout. Il trouvait curieux qu’ils avançassent ainsi sans cesse. Il se demandait qu’est-ce qui les poussait à bouger constamment. Que voulaient-ils atteindre ? À quoi cherchaient-ils à échapper ?

Désireux d’en savoir plus, le sphinx profita d’un individu, arrêté devant lui avec l’air interrogateur, pour lui poser la question :

« Quèche qui vous pouche à avancher ainchi chan chèche ? »

Malgré son fort accent échipchien, l’autre sembla le comprendre car il lui répondit :

« Ben, vous me voyez, là, couché, le ventre en l’air ? De quoi j’ai l’air ? Je ne sais pas me servir de mes membres locomoteurs… Cette immobilité me rend vulnérable. Je dois vite apprendre à me sauver par moi-même. »

« Ché pour churvivre que vous bouchez chan chèche ? » s’enquit le sphinx.

« Bon, d’accord, maintenant que je marche à quatre pattes, ça va mieux. Mais mon autonomie est relative, mon rayon d’action limité. Je veux marcher plus loin ! »

« Ché l’ambichion qui vous pouche, néchpa ? »

Mais l’autre, débordant de joie, ne l’écoutait plus.

« Ça y est ! Ça marche pour moi ! Je me promène debout dans le monde… Regardez ! Je suis même accompagné. »

Un chien l’avait rejoint en effet, élevant à six le nombre de pattes en mouvement. Cet attroupement doubla d’ailleurs, lorsqu’une femme et son animal se mêlèrent à la conversation.

« Nous allons fonder une famille ! Nous prospérons, nous nous étendons. »

« Ché une invachion ? » s’exclama le sphinx qui perdait le compte.

« Vous comprenez, avec tout ce monde, il nous faut une voiture. Comme ça, on peut aller partout. »

« Mais à quoi chachert ? » s’insurgea le sphinx en découvrant, consterné, les roues du véhicule qui tournaient autour du square.

L’individu, hélas, n’eut pas l’occasion de lui répondre. Il était maintenant couché dans une longue voiture noire, le ventre en l’air, et il n’utilisait plus ses membres locomoteurs. Un cortège de pattes innombrables le suivait, en file ordonnée, des plus vieilles aux plus jeunes, marchant vers une destination qui restait énigmatique pour le sphinx. Il trouvait curieux qu’ils avançassent ainsi sans cesse. Il ne comprenait pas ce qu’ils voulaient atteindre, ce à quoi ils cherchaient à échapper.

Lui, éternellement immobile, il n’avait besoin d’aller nulle part.

sphinxwheel

London Eye


Ce texte entre dans le cadre du concours de l’agenda ironique de février: Paroles de Sphinx, organisé sur BodoBlog. 

27 réflexions sur “Le chfinche

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  3. Che vais lui chuchoter une chanchon à ce chfinche : ch’est un chat chômeur qui choyait des chows-chows et qui s’est fait choper une chopine dans la paluche.
    Bon, c’est pas drôle, je le conchois 😦

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  6. Il ne manque qu’un morito en terrasse 🙂 J’aime beaucoup ce chinkche légérement dépassé par la foule – et venu d’Egypte en passant par l’Auvergne mystérieuse pour améliorer son acchent ? 🙂

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  7. en plus rond, de pierre, le sphinx aurait roulé mais là il est condamné à regarder passer les passants jusqu’à ce qu’ils trépassent. Ça ne passe pas inaperçu pour lui et le nombre le dépasse.

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  8. Cha ch’en est une ! Vraiment chimpa, chette histoire de schfinx qu’est pas si immobile que cha car ches neurones, elles bochent à mort ! Y en a qui pourraient pencher que les boches n’ont rien à voir ichi mais on ch’en fout, l’essenchiel est de partichiper et nous on partichipe. Bien trouvé chette énigme-là.

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  9. RHHHÖÖÖ Ch’est chuintant au possible mais tellement bien échipchonné ! Chi bien qu’à la fin c’est une table de multiplication de pattes qui churvient. Ch’est chacrément bien trouvé. .

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