Mais où sont-ils ? Ils ne vous interpellent pas dans la rue, ne circulent pas entre les tables à la terrasse des cafés ni ne chantent dans le métro… La police les chasse-t-elle du centre-ville ? Les foyers d’accueil les gardent-ils bien à l’abri ? On en voit peu. Pourtant ils sont bien là, à Londres comme partout ailleurs, juste un peu plus discrets que dans d’autres pays.
Assis derrière une poubelle ou près d’un distributeur de billets, ils tendent la main, le regard baissé. Ils s’effacent aux portes des supermarchés et disparaissent entre les jambes des gens pressés, à la bouche du métro. D’ailleurs, s’ils le prennent parfois eux-mêmes, pour faire un petit discours dans le wagon, ils parlent si bas qu’on les entend à peine s’excuser de déranger ceux qui les ignorent.
Les gens donnent rarement car ils savent qu’il existe des associations caritatives pour s’occuper d’eux. Elles sont nombreuses, dignes de confiance, et c’est envers elles que les Britanniques préfèrent être généreux. Ils leur parlent aussi quand même ; parfois, on voit un passant s’arrêter, s’asseoir par terre et tailler la bavette au malheureux. Après tout, même sans domicile, ce sont des voisins comme vous et moi.
Dans mon quartier, certains ont un job de rue. Le type aux sandales et pull troué est portier au supermarché. Le barbu hirsute revend des articles de récup : livres, jouets, robots ménagers… Il voulait même me refiler une paire de skis, l’hiver dernier. La fille chauve fait du télétravail en lisant le journal à voix haute, sans jamais quitter son duvet dans le carton. Le comédien pleure à chaudes larmes sous le distributeur, tous les soirs à six heures. Sans oublier celui avec le chien, dont l’absence s’est fait remarquer la semaine dernière. Il nous a rassurés aujourd’hui en nous expliquant qu’il avait passé le pont en Espagne. On l’a presque cru, si sale qu’on l’aurait dit bronzé.
La petite monnaie au fond de ma poche est toujours pour eux. On ne sait jamais, à notre époque, avec la précarité qui menace, on peut faire faillite, perdre ses droits et, devenu trop vieux, finir comme eux, avec un job de rue comme seul revenu. « Faites le bien autour de vous, il vous sera rendu. » Alors je donne aux pauvres, comme d’autres cotisent pour la retraite.
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C’est le genre de job qui fait peur…
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Courage et désespoir sont les compétences requises.
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De plus en plus de sans abris sur Paris … Et bizarrement je donne de moins en moins ….lassitude ?
Très beau texte .. Rx
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Ou habitude… Ils se fondent dans le décor.
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Vous en parlez bien et c’est difficile, sans tomber dans le pathos ou le discours lénifiant.
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Merci Francis. J’ai essayé de prendre un ton aussi naturel que la réalité.
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Témoignage poignant. Merci.
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C’est une triste réalité que le quotidien banalise.
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