Un amour de jouets

amourjouet2Quand j’étais petit, j’avais un ours en peluche qui s’appelait Teddy. Il était un peu gros, mais pas trop, de sorte que je pouvais l’embrasser sans peine et l’emmener partout avec moi. Il avait le poil court, marron et très doux. Sur son visage rond étaient collés deux yeux de verre et un petit nez en bouton, sous lequel se dessinait un large sourire avec un morceau de langue rouge sur le côté. Il avait l’air sympa, c’était mon jouet favori et mon meilleur ami.

On faisait des parties incroyables tous les deux. Toujours fourrés ensemble, on jouait aux courses de voitures, aux guerres de petits soldats, on allait au parc municipal pour le match de foot avec les copains… On dormait aussi dans le même lit. En fait, l’unique endroit où il ne m’était pas permis de l’emmener, c’était l’école. Pendant que j’étais en classe, il m’attendait sagement dans ma chambre. Il m’accueillait toujours avec joie quand je rentrais à la maison.

C’était une relation simple que nous partagions, Teddy et moi. Une de ces relations privilégiées qu’ont les enfants avec leur peluche favorite, basées sur la confiance, la sincérité et une véritable complicité. Le type de rapports que l’on regrette de ne pas avoir avec les gens, une fois qu’on est adulte. Malheureusement, cette relation ne dura pas. Un jour, je réalisai que quelque chose était arrivé à mon nounours, un événement assez grave pour que nous ne puissions plus conserver notre amitié. En effet, un jour, je découvris que Teddy était tombé amoureux de Barbie.

amourjouet1Barbie était la poupée favorite de ma sœur. Elle, ma sœur, n’avait qu’un an de plus que moi. Les gens disaient que nous nous ressemblions, mais je ne voulais pas le croire. Ma sœur était une fille et moi, j’étais un garçon ; ça n’a rien à voir. D’ailleurs, ma sœur et sa poupée passaient leur temps avec des jeux idiots. Elles organisaient d’ennuyeuses dînettes, s’enfermaient des heures dans la salle de bain pour se maquiller, se déguisaient en fée ou en princesse ridicules et, dans le parc municipal, elles se réunissaient avec d’autres filles pour glousser en sautant à la corde.

La poupée était mince, presque rachitique. Elle avait d’interminables cheveux blonds et des yeux bleus énormes, collés sur sa tête en plastique. Elle s’habillait avec des vêtements extravagants qu’elle changeait trois ou quatre fois par jour. Une vaniteuse ! Jamais je ne compris comment Teddy ait pu tomber amoureux d’une poupée si artificielle.

Ce fut un dimanche après-midi que je réalisai, pour la première fois, ce qui se passait entre eux. Je les surpris en train de jouer à la dînette dans le salon ! Je m’opposai immédiatement à cette activité stupide et emportai Teddy dans ma chambre, où je l’obligeai à faire une course effrénée de petites voitures, pendant le reste de la journée. J’aurais dû savoir que ce n’était pas la bonne façon d’aborder le problème, car il était clair qu’il n’était pas concentré sur le jeu : il avait de nombreux accidents et il s’en moquait éperdument. En fait, ce béguin pour la poupée allumeuse déclencha une grave crise sentimentale entre nous.

La semaine qui suivit fut un véritable cauchemar. Teddy ne me répondait pas quand je lui parlais, ne montrait aucun intérêt pour les guerres de petits soldats que j’organisais… En plus, il ne m’attendait plus quand je revenais de l’école. Chaque fois que je rentrais à la maison, je le retrouvais à la dînette ou au salon de maquillage, en compagnie de sa copine en plastique. Ça devenait insupportable. Mais le pire arriva le jour du parc municipal. Non seulement Teddy refusa de jouer au foot, mais en plus il décida d’aller sauter à la corde avec Barbie… Et ça, devant tous mes copains ! Je crus mourir de honte.

A peine rentrés à la maison, je mis une sacrée raclée au nounours. Je le frappai si fort qu’il perdit des poils. Je crois que si ma sœur n’était pas intervenue, je l’aurais tué. Mais elle profita d’un moment où je récupérais mon souffle pour me quitter Teddy des mains. Ensuite, elle me passa un sermon à sa façon : elle me traita de sauvage, de barbare, elle m’accusa de ne pas avoir de cœur, et bien d’autres choses… Elle argumenta que mon nounours et sa poupée étaient amoureux, que c’était naturel et qu’on ne devait pas s’y opposer. Il fallait respecter leurs sentiments en leur permettant de vivre comme ils le désiraient.

amourjouet3Je n’écoutai pas son discours à l’eau de rose. De toute façon, Teddy était mon jouet et c’est à moi qu’il devait rendre des comptes ! Or, non seulement il préférait la compagnie d’un jouet de fille à mon amitié, mais en plus il nous ridiculisait tous les deux avec ces sottises efféminées. Alors, pour le punir, je condamnai mon nounours à l’oubli. Après tout, j’avais un droit absolu sur son existence. Je l’envoyai donc à la malle du grenier, celle où l’on jetait les vieux jouets cassés. De cette malle, personne ne revenait jamais et ce fut ainsi que Teddy disparut de ma vie.

08childhood1Ce qui me surprit le plus dans cette histoire, ce fut la réaction de ma sœur, après que j’eus abandonné Teddy. Aussi étrange que cela paraisse, elle décida de se séparer de Barbie ! Comme j’avais puni le mien, elle se débarrassa de son jouet favori. Elle le fit sans raison apparente et en versant beaucoup de larmes. Visiblement, ça lui déchirait le cœur de ne plus jamais la revoir, mais elle envoya malgré tout sa poupée à la malle de l’oubli.


Ceci vous a plu ? Essayez cela :

follesdindes

Folles dindes

6 réflexions sur “Un amour de jouets

  1. ben si c’est grave !!! j’ai encore mon nounours des années 50. Mais rempli de paille à l’époque et intérieur des oreilles et plante des pattes en velours rouge ! du coup quand on l’a lavé il a fallu un mois pour qu’il sèche, ses poils sont restés collés, et le route a déteint……… Pas très chicos, mais toujours là !!!!…. Partira avec moi mon roméo à moi !

    J’aime

Laisser un commentaire