À Londres, la nuit est jeune. Les spectacles attirent une foule d’enthousiastes de tout âge, qui se pressent à l’entrée des théâtres, des music-halls et des salles de concerts. Les tickets se vendent vite et il faut souvent faire la queue, ou bien réserver sa place des mois en avance, sur Internet. Les séniors mélomanes raffolent d’ailleurs de cette méthode moderne pour planifier leurs sorties. Hélas.
Du fond de la salle de concert, assis sur mon siège bon marché, je distingue des trous dans la chevelure du public. Les têtes ondulent du haut des loges jusqu’au bord de la scène, comme des vagues grisonnantes entrecoupées de sièges vides. Pourtant, cette salle de concert joue toujours à guichets fermés ; il y aura eu des défections de dernière minute. Ça arrive souvent : les séniors mélomanes prennent des abonnements pour les séries de concerts, et puis ils ont un empêchement, ils tombent malades ou décèdent avant l’heure. Leurs places sont perdues pour tout le monde.
L’Orchestre symphonique de Londres termine la première partie et les spectateurs applaudissent. Puis, ils se lèvent, les jambes engourdies, et se dirigent en chancelant vers les lobbies, pour l’entracte. Certains ont commandé leurs boissons d’avance, sur Internet ; les autres doivent faire la queue au bar, pour un verre de vin (medium ou large), une bouteille de bière (lager ou ale), une boisson chaude (thé ou café), sans oublier les petits pots de glace qui font rage chez les séniors mélomanes.
Ils s’en tapent un à chaque entracte. À coups de cuillère en plastique, ils enfournent la crème glacée entre le rouge à lèvres et les poils de barbes. Puis ils retournent au concert, tout revigorés. Ils battent de la semelle au rythme des instruments, toussent en chœur pendant les pauses musicales, et lancent des salves d’applaudissements en se levant, lorsque le spectacle est fini.
La nuit est jeune pour les séniors mélomanes. En rentrant chez eux ils pensent déjà à leur prochaine sortie. C’est bientôt, dans quelques jours peut-être – il faudra vérifier le programme de l’abonnement, sur Internet. Rien ne les arrête ; ils sont accros aux soirées londoniennes. À croire que les petits pots de glace contiennent un élixir qui fait rajeunir.
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Cela n’a pas l’air bien gai…
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Ça dépend de ce qu’on joue le soir où vous y êtes.
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Petite chronique toujours douce-amère et dont je suis fan comme le mélomane senior à l’abonnement automatique : on ne change pas une recette qui gagne. Vous fournissez la glace aussi ?
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Non, la glace est en supplément. Et on ne peut pas la lécher sur Internet. Sorry Sorry Sorry.
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Ah Londres, j’adore cette ville que vous transmettez bien !
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Ce sont les petits détails qui font les grandes villes.
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