En traversant Hyde Park, vers Buckingham Palace, j’aperçois les canards. Ils marchent au bord de l’étang ou bien ils flottent sur l’eau, ravis de l’attention que leur portent les gens. Les petits les adorent et les grands les chérissent. On leur offre des friandises, on les prend en photos, comme s’ils étaient des stars. Or, qu’ont fait ces animaux pour devenir populaires, sinon d’être canard depuis toujours ?

Au bout du parc, des barrières métalliques et des policiers contiennent la foule sur le trottoir. Londoniens curieux et touristes excités tendent le cou vers la rue : un cortège officiel va passer. Quatre motos surgissent à grands coups de gyrophares bleus, suivies par deux berlines noires et une Rolls Royce, vers laquelle se braquent tous les appareils photo. Sous les flashs, le prestigieux véhicule brille comme un jouet neuf sorti d’un paquet cadeau.

Au travers de la vitre, je distingue une petite grand-mère qui dodeline de la tête sur la banquette arrière. Chapeau fleuri et costume assorti, elle ressemble étrangement à la poupée de cire qui représente la reine d’Angleterre, au musée de Madame Tussauds. Adulée par les petits et les grands, on lui envoie des baisers et on la prend en photo, comme une star. Or, qu’a fait cette femme pour devenir populaire, sinon d’être reine depuis longtemps ?

Une fois le cortège passé, les policiers ouvrent les barrières et la foule se disperse. Les badauds comparent leurs clichés et s’épanchent en commentaires sur la reine, mélangeant faits historiques et potins, détails de son règne et révélations de revues mondaines. Ils parlent d’elle comme d’une amie intime. À les entendre, ils se connaissent depuis toujours. C’est ça la célébrité : on devient l’image de ce que les gens aiment voir ; un personnage familier, figé dans la cire aux yeux du public.

En retrouvant les canards qui flottent sur l’étang, je me demande s’ils ne sont pas en plastique.

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