Encore un matin où ils se retrouvent à la cuisine, à ramer dans le beurre et les miettes… La lumière du jour essaye tant bien que mal de les réveiller, mais le ciel est gris, l’heure incertaine.
Charles reste immobile devant son café. Il ne bouge que son poignet, de temps à autre, pour faire tourner la cuillère dans le bol. Il cherche dans les reflets noirs du breuvage une lueur d’inspiration qui lui éclaircirait les idées.
– Encore un tour d’cuillère, grogne-t-il, après j’y vais…
Charline, quant à elle, reste figée à l’évier. Elle observe la goutte d’eau qui pend du robinet. Elle la voit se lâcher dans le vide et tomber en cascade, de plats en assiettes, de verres en couverts, avant de disparaître au fond de la cuvette. Elle sait bien qu’elle remontera ensuite par la tuyauterie, péniblement, jusqu’en haut du robinet, pour refaire un tour.
– Encore un tour d’vaisselle, soupire-t-elle, après j’m’y mets…
Soudain, l’ombre d’une angoisse surgit à l’horizon. Elle se dirige droit sur eux, à pleine vitesse. Ils ferment vivement les yeux. Charles blanchit ; Charline grimace. Mais c’est trop tard pour l’éviter. Le vent gifle avec violence la façade de l’immeuble et fait trembler la fenêtre de leur cuisine. Lorsqu’ils rouvrent les yeux, des larmes de pluie dessinent de tristes symboles sur les vitres.
– Encore une tempête, grogne Charles, à quoi bon ?
Pourquoi sortirait-il dans cet enfer, marcher sous la flotte, se bousculer contre le vent, se geler par le froid et s’effacer dans la grisaille ? Tout ça pour quoi ? Gagner des miettes pour s’acheter du beurre ?
– C’est la saison, soupire Charline, ça ira mieux après.
– T’as raison, après j’y vais.
Alors, pour oublier le mauvais temps, ils s’en retournent à leurs activités : lui à son bol ; elle à son évier. Mais le café froid est loin d’être lumineux et la vaisselle reste sale. Faire l’effort d’en boire ou d’en laver ne leur dit plus rien, ni à l’un ni à l’autre. Soudain, Charline sanglote :
– C’est quand même pas d’bol ! Un matin où on pouvait s’y mettre… et v’là une tempête !
Elle voit la goutte du robinet tomber avec elle, au fond de la cuvette.
– C’est la saison, grogne Charles, après ça ira mieux.
Mais ce type d’espoir moisit toujours très vite dans leur cuisine, quand la fenêtre est mouillée et l’heure incertaine.
– Encore un tour de saison, soupire Charline, à quoi bon ?
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Ce blog devient dépressif? Il y a des moments comme ça… 😉
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La seule véritable dépression dans ce texte est climatique. Le reste est de la fiction.
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Déménager, je ne vois que ça ! ça oblige à faire des cartons, et une vaisselle propre à emballer, c’est tout d’même plus mieux. On peut même leur proposer des cercueils comme malles, c’est sympa aussi.
Je l’aime bien ton article. « Des miettes, du beurre et une goutte d’eau pour deux », ça ferait un bon titre, non ?
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défaitistes, les deux 😦 !!! faudrait leur mettre un peu de zik pour leur remonter le moral……….
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Une marche funèbre?
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c’est sûr que si on leur balance un alleluia, ça ne va pas vraiment le faire…….. ou alors à dose homéopathique !!!
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